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Langues régionales : constitutionnalisées ou danyboonisées ?

25 juin 2008

Le feuilleton de la reconnaissance des langues régionales continue. Pour un peu, il va devenir plus riche en rebondissements que les sagas télévisuelles de l’été.
Petit rappel donc, depuis l’article du n°489 de Territoires consacré au sujet.
L’amendement à l’article 1er de la Constitution voté le 22 mai dernier par les députés, ajoute que « Les langues régionales appartiennent à son patrimoine ».
Le 16 juin, les académiciens, dans le rôle du vieux patriarche garant des traditions, demandent tout simplement son retrait, de peur que « l’identité nationale » soit menacée. Ils n’apprécient pas de voir les langues régionales mentionnées dans l’article 1er de la Constitution, alors qu’il n’est question du Français que dans l’article 2. Si le rôle de l’Académie est de veiller à la protection de la langue française, et qu’encourager le plurilinguisme par la reconnaissance des langues régionales est une façon de préserver le Français, cette prise de position défie la logique.

Elle est maintenant confortée par la position du Sénat qui, le 18 juin dernier, a adopté contre l’avis du gouvernement et de la commission des Lois, un amendement supprimant la référence aux langues régionales. Si la majorité du PS, les Verts et quelques UMP ont voté contre, cela n’a pas suffi pour faire pencher le Sénat vers la reconnaissance des langues régionales.

Prochain épisode : le retour du texte à l’Assemblée, avant de passer en commission mixte paritaire. Si certains balaient la question en affirmant qu’« une langue vivante n’a pas besoin d’être constitutionnalisée pour exister », (édito du Monde du 20 juin), vantant les mérites du bientôt mythique film Ch’ti (« Ce film a plus fait pour la langue régionale du Nord que n’importe quelle disposition légale »), il y a de quoi frémir. Heureusement que la survie des langues ne dépend pas seulement de leur inscription dans la Constitution, mais trouve son souffle dans la culture, la pratique, l’enseignement, la recherche. Doit-on pour autant se réjouir si le Ch’ti le plus populaire se rend, succès oblige, dans un prochain épisode en terre marseillaise ?

Qu’en pensez-vous, vous qui, sur les territoires, œuvrez pour maintenir et diffuser les langues et cultures régionales ?

Blanche Caussanel

4 commentaires

  1. Notre organisation est décentralisée dit notre Constitution ; nos territoires ont le droit d’expérimenter d’autres modes de vivre ensemble ; notre droit d’asile est proclamé – balivernes – mais cela ferait tout de même plaisir, après qu’elles aient été traitées comme des verrues disgracieuses sur le visage de la France, de voir les langues régionales honorées d’une façon ou d’une autre dans notre Constitution.


    • Thank God! Somnoee with brains speaks!


  2. Chère Blanche

    Ainsi que vous l’écrivez, la survie, voire le développement des langues de France, y compris le français, ne dépendent pas que du fait de leur inscription dans la constitution, mais d’abord du fait qu’il se trouve assez de locuteurs pour les transmettre, et assez d’envie pour les pratiquer en public. Et, comme vous le faites remarquer, cela dépend notamment de leur enseignement.
    Or, sans inscription dans la constitution, du droit de ces langues à exister publiquement, toute loi fixant les conditions de leur enseignement était jusqu’à présent bloquée par le Conseil constitutionnel, qui rappelle, depuis 1992 dans son article II, que « le français est la langue de la République ». Les autres, estimait le CC, n’avaient pas dès lors à exister en droit.
    C’est ce verrou qui sauterait si, comme je le souhaite, les langues de France sont reconnues par la Constitution à l’issue de la réunion très prochaine du Congrès.
    Nombre de commentateurs, dont vous même, avez minoré ce débat. or, il était incontournable pour que nos enfants puissent se voir reconnaître le droit demain de pouvoir choisir en sûreté d’apprendre au collège ou au lycée une langue qui les rattache à leur coin de France plus sûrement que le chauvinisme qui avait présidé, voici seize ans, à l’adoption d’un article II qui n’avait pas fait couler tant d’encre.
    Ceci dit, s’il se trouve aujourd’hui semble t’il, une majorité, notamment de jeunes et de gens instruits (cf sondage Ouest France/CSA) pour approuver cette « constitutionnalisation » des langues de France, c’est probablement parce qu’une, voire deux générations, se sont vues interdire dans les faits de disposer des moyens nécessaires à leur maintien. Dès lors, cette aspiration répond sans doute à une peur : le fil rompu de la transmission orale signerait la fin « naturelle » de ces langues, et sans recours à l’univers du droit, leur fin tout court.
    Ce n’est pas irréversible, les exemples catalans et israëliens nous le montrent. Quand la volonté est là, est qu’elle est soutenue par les pouvoirs publics, les langues moribondes trouvent un second souffle, et la diversité des rapports au monde avec elles également.


    • Geez, that’s unlbvielabee. Kudos and such.



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